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Avant il n’y avait rien. Le néant. Une infinité noire. Le Chaos. De cette obscurité sans fin est d’abord née Nyx, déesse mère des cieux. Puis Gaïa, déesse mère de la terre. Ensuite Éros apparu, dieu de l’amour et déesse de la création. S’en suivit Erèbe, les ténèbres et Tartare les abysses. Éros est celui du milieu. Il est la balance. Il est aussi une force créatrice pure qu’il met au service de Gaïa, lui permettant de se faire féconder par Ouranos. Il est le seul à ne pas engendrer une descendance. Pas qu’il n’en veuille pas mais sa mission est bien plus grande. Ce n'est pas à lui d’être féconder. Il n’est que le garant de la procréation. Il est le manifestant du principe de dualité, cette multiplicité incluse dans une unité parfait. Dès le début de sa vie, il se doit de superviser toutes les créations, allant d’une divinité primordiale à l’autre. Trop concentré sur Érèbe et Nyx, il ne voit pas qu’Ouranos emprisonne sa progéniture dans le ventre de Gaïa. Pas par protection mais tout simplement parce qu’il craint d’être renversé. De toute façon, Éros n’aurait pas compris, il est bien au-dessus de tout ça. C’est Gaïa, en donnant une faux à Chronos, qui leur permet de s’échapper. Éros aurait pu ne pas être concerné mais le titan décida de se venger. En castrant son père, Ouranos, et en lançant son sexe géant dans les cieux, Chronos va sans le vouloir transformer Éros, touché de plein fouet.  D’un esprit neutre, non genré, apparaître Himéros. Le désir. De ce même sexe coupé, qui retombe à la mer quelques temps après va naître Aphrodite. Éros et Himéros sont présents devenant ses « parrains et marraines ». Mais avant tout ça, Éros n’a pas subi cette transformation avec plaisir. Ce nouvel esprit dans sa propre chaire a été compliqué à gérer. Ils n’avaient pas les mêmes buts. Ils n’avaient pas les mêmes désirs. Il n’aurait jamais dû en avoir par ailleurs. Alors, ne supportant plus Himéros, Éros décida de séparer de cette entité qui avait grandi en lui et qui voulait de toute façon une certaine autonomie. Modifiant entièrement la réalité, il immisça dans tous les esprits pour faire croire qu’ils ont été jumeaux dès la création cosmique. Quand l’Olympe fut créé, ils furent même surnomé les jumeaux inséparables.  


Inséparable, pas vraiment à vrai dire. Eros et Himéros ne sont guère souvent ensemble, ayant chacun leurs propres fonctions. D’autant plus qu’Éros s’est donné une mission spéciale. La plus importante de toute sa vie. Réparer l'énorme aberration que Zeus a commis : celle de séparer les humains en deux. Après une colère foudroyante, le dieu descendant de Chronos a décidé de toucher aux créations de Gaïa par pure jalousie. Pour la déesse mère, les humains étaient dotés de deux corps, quatre bras et quatre jambes. Ils étaient une seule entité, puissante mais paisible, s’occupant d’elle. Zeus décida alors de tous les diviser grâce à sa foudre. Éros, qui avait eu vent de sa colère, arriva juste avant la catastrophe. Il tenta de raisonner Zeus, que les dieux aussi pouvaient avoir cette puissance dû à l’amour primitif qu’il avait transmis à Gaïa. Qu’eux aussi connaissaient les joies de l’amour, et à raison, c’était lui qui s’en chargeait. Mais non. Zeus fut hermétique et il lança son éclair avant qu’Éros ne put faire quoi que ce soit car dès que la foudre les toucha, Éros s’évanouit à cause d’une douleur indescriptible. Il sentit dans sa propre chaire la division de toutes ses pauvres âmes et il eut du mal à s’en remettre. Himéros aussi, et c’est ça qui arriva à les réunir. Himéros prit soin d’Éros le temps qu’il se remette. Une fois sur pied, il rentra en guerre contre Zeus à sa manière. Ce crime ne resterait pas impuni et il décida alors de rassembler les milliards d'humains éparpillés sur la planète. Il voulait les remettre ensemble. Non. Il devait les remettre ensemble.  Or le travail était colossal car Zeus avait fait en sorte que même les humains à venir, au sein de leur âme soit séparé en deux. Eros savait pertinemment que ça serait le travail de toute sa vie. Son but ultime. Après tout, peut être que Chaos l’avait engendré dans ce but-là. Il n’était pas seulement qu’une force motrice de création. Il se trouvait être aussi une force de réunification.

Forcément, la tâche s’avéra compliqué. Il demanda de l’aide à Himéros bien entendu. Il devait faire naître le désir chez les humains pour les rapprocher et une fois assez proche, Éros pourrait agir. Mais là encore, tout ne se passa pas comme prévu. Himéros avait compris que le désir pouvait être une arme, une arme puissante, qui pouvait même prendre l’ascendant sur l’amour. Il profita du chaos terrestre pour le faire et pour trahir. Souvent entouré par les Muses et les Charités, Himéros préféra s'amuser avec les humains plutôt que de les aider. Avec les dieux aussi. Il fut le germe de nombreux conflits, et des colères les plus terrible. C'est lui qui souffla l'attirance, qui attisa les braises et qui se délecta de voir les conséquences terribles. Il appréciait cette émulsion autour de lui car il n'y a pas que le sexe et c'est là, où Eros, dans sa vision étriqué et obnubilé a fait une erreur. Le sous-estimer et le traiter comme une chose négligeable. Le désir est universel. Il est cette tendance à vouloir obtenir quelque chose. Un objet ou une personne. C'est ainsi que la séparation entre les deux furent définitive. Éros était blessé à vrai dire, de voir qu’Himéros le rejetait à ce point, car au fil du temps, il avait appris à l’aimer. Lui aussi. Néanmoins, il ne cherchait pas à le rattraper. Il ne chercha pas à le récupérer, sa mission passant avant tout le reste.

Les années passèrent, les millénaires aussi, la puissance des dieux diminuèrent avec l’arrivée d’autres systèmes de croyance. Le désir prit une conation négative à cause de ces nouvelles religions. Éros prit une sorte de revanche à ce moment-là. Il devient l’amour sanctifié, la pureté tandis qu’Himéros fut connoté très négativement, voir même punit dans certains endroits. Le désir représentait la faiblesse de l’homme, son vice, sa négativité. Quand ils se croisaient sur l’Olympe, Éros ne pouvait s’empêcher d’avoir un sourire narquois. Mais, Himéros avait les dieux de son côté. Il était plus facile de désirer que d’aimer, et Éros finit par se retrouver finalement tout seul. Il s’en fichait. Il se consacrait à sa mission, la même depuis tout ce temps. On l’appela par différents noms. Cupidon. Valentin. On le confondit même avec Aphrodite ou Freyja. Il dut s’adapter aux croyances. Se battre même dans un monde où les divinités furent remplacées par la science et l’argent. Si les autres perdirent en influence, ce ne fut pas son cas car l’amour reste une valeur sûre. Le désir aussi. Et les deux entités se livrèrent une rude bataille. Éros en avait marre de ne rien faire, d’être placide. Il avait prôné la paix durant longtemps. Il avait laissé Himéros tranquille mais ce dernier continuait de l’attaquer. Alors il fit de même. Mais un jour, alors qu’ils se disputaient encore une fois dans le ciel européen, un éclair immense apparu et une fissure se fit. Éros pensa d’abord que c’était une sorte de coup d’éclat de Zeus mais bien vu, l’explosion immense qu’ils entendirent lui donna tort et tout redevint noir, comme au commencement du temps.

Quand Éros se reveilla, elle sentit immédiatement qu’elle était dans un corps charnel. Un corps de femme. Cela lui fit étrange. Elle n’avait jamais eu de genre auparavant. La deuxième chose qu’elle remarqua, fut la disparation d’Himéros. À vrai dire, ce dernier n’avait pas disparu, il avait juste réintégré son corps d'origine. Après tout, Eros était la divinité primordiale et sa suprématie n'était pas dû au hasard. Finalement, ils ne formaient qu'un tout. L'amour et le désir n'étaient pas opposés. Ils étaient complémentaires. Toutefois, ce n’était pas le principal problème qu’elle rencontra. La troisième chose qu’elle remarqua ensuite fut la perte de ses pouvoirs et le chaos environnant. Elle était devenue humaine, dans un nouveau monde. Etait ce là une punition de Chaos pour avoir échoué dans sa mission ? Pendant un certain temps, elle le pensa. Ce n’était pas tant le monde moderne qui lui posa un problème mais bien son enveloppe charnelle. Elle n’avait jamais ressenti la faim et la soif auparavant. Elle n’avait jamais ressenti la fatigue. C’était perturbant et elle mit des mois avant de s’en accommoder. Au moins, la seule chose positive, où du moins qu’elle prit comme positive, était le fait qu’elle ressentait toujours de l’amour, et qu’elle ressentait aussi du désir. Elle ne sut le contrôler au début. C'était fort, dévastateur et dangereux. Elle n'aimait pas ça. Elle haïssait cette sensation même à tel point qu'elle ne trouvait qu'une solution pour l'endiguer, la souffrance. Dès qu'elle sentait une pointe de désir naitre dans son ventre, elle prenait le premier objet contondant qu'elle trouvait pour se faire mal. La douleur lui faisait monter les larmes aux yeux mais au moins, ce sentiment qui n'avait rien avoir avec l'amour était pari.

Dans son périple, elle rencontra d’autres dieux, notamment l’archange Gabrielle. Dépourvue de pouvoirs, elles se mirent à s’entraider. Gabrielle lui donna le nom du Hazbin Hotel pour pouvoir résider, mais surtout, ensemble, elles créèrent une application de rencontre. Même si Éros s’en sortait avec la technologie, elle avait l’archange de la communication de son coté, et elle pourrait reprendre à bien sa mission. D’autant plus que l’autre jeune femme trouvait son projet absolument fantastique. C’est comme ça qu’Eternalove naquit. Une application de rencontres qui séparait bien les coups d’un soir et la vie de couple à l’aide d’un très long questionnaire.

Lors de la soirée de lancement, Éros rencontra encore plus de personnes, adorant cette ambiance. C’est aussi à ce moment-là, en discutant avec le directeur de l’hôpital de Los Angeles, qu’elle décida de devenir sexologue. Le parfait métier pour elle selon les dires de l’homme. Il ne s’était pas trompé. Ce n’était pas uniquement l’étude de la sexualité, c’était une composante globale. Autant médicale que psychologique, qui regardaient tous les rouages du désir biologique, de l’érotisme et de l’amour. N’ayant pas besoin de suivre une formation, de part sa nature même, Éros ouvrit un cabinet dans la banlieue de Los Angeles et le succès fut immédiat. Elle eut de nombreux patients. Des couples en mal d’amour. Des célibataires trop addict. Des jeunes en quête de questions. C’était passionnant et elle se sentait enfin utile. Elle décida aussi de faire quelques consultations à l’hôpital et dans des lieux où tout le monde pourrait venir. Obtenant aussi assez d’argent, elle put se prendre une petite maison sur le Mont San Antonio qui lui rappelait étrangement l’Olympe. Elle n’avait pas vraiment de voisins et si la quiétude des lieux était agréable, Éros redescendait souvent au Hazbin Hotel pour sortir en ville, appréciant aussi d’être entouré. Car si elle arrivait à réunir les autres, elle se sentait bien seule quand elle se retrouvait à regarder le coucher de soleil depuis sa terrasse.